Pologne : Wikileaks fossoyeur de l’extrême droite ?

10 Septembre 2013


Przemyslaw Holocher, a annoncé sa démission du poste de président du Mouvement national (Ruch narodowy, RN), suite à la révélation par Wikileaks du contenu de son compte privé sur Facebook. Il est possible d'y découvrir les pages qu'il a « aimé », sa correspondance privée avec des militants et d'autres membres, mais aussi et surtout ses fréquentations peu recommandables et les luttes de pouvoirs qui secouent son parti, créé il y a un an. Celui-ci commence bien mal sa carrière politique.


Couverture de la page Facebook officielle de Przemysław Holocher
Le Mouvement national (Ruch narodowy, RN) a été fondé en 2012 après la « marche de l'indépendance », manifestation arborant croix celtiques à foison ayant eu lieu à Varsovie, le 11 novembre, jour de la fête nationale polonaise. Le mouvement est né de la fusion de la Jeunesse de tous les Polonais (Mlodziez wszychpolska, MW), dirigé par Robert Winnicki et du Camp nationaliste radical (Oboz narodowo-radykalny, ONR), dont le chef est Przemyslaw Holocher. La première était une organisation de jeunes nationalistes, réputée pour son homophobie, et la seconde était une organisation héritière du parti d'avant-guerre fascisant et antisémite du même nom. Depuis sa création, le mouvement a tenté plusieurs fois au cours de l'année écoulée de faire parler de lui. L’irruption de ses militants au cri de « dehors les communistes » lors d'une conférence à Wroclaw donné par Zygmunt Baumann (Philosophe et sociologue, connu pour son passé de commissaire politique au service de l'armée rouge entre 1945 et 1954) été dénoncé par une grande partie de la classe politique polonaise. Le maire de Wroclaw avait même qualifié cet acte comme l’œuvre de « canailles nationalistes ». Largement décrié dans un pays méfiant envers les extrêmes, le parti est crédité de 0 à 2% d'intention de vote aux élections parlementaires de 2015.

Le 1er septembre 2013, la page internet de Antifa Pologne publiait un lien vers des dossiers Wikileaks rendant compte de toutes les données présentes sur la page Facebook de Przemyslaw Holocher. On peut y consulter sous la forme de fichier Bittorrents ses conversations avec sa famille et d'autres militants, ainsi que se rendre compte des luttes intestines qui gangrènent le RN. Les informations présentent sur ces pages sont d'ordre privé, Le Journal international ne mentionnera donc que celle ayant une dimension politique.

Il appelle aussi à pendre Marek Jurek....

Ces données montrent les véritables sympathies idéologiques de Przemyslaw Holocher. Au travers de mauvais jeux de mots et d'un humour d'un goût douteux, celui-ci ne cache pas ses sympathies néonazies. Entre de nombreuses piques misogynes et homophobes, il appelle par exemple à ne pas confondre croix gammée et l'aigle blanc (symbole de la Pologne) lors des manifestations, et se dit fan du groupe « Iron Majdanek ». Il appelle aussi à pendre Marek Jurek, président du parti de droite Droite de la république.

Mais ces conversations témoignent surtout de l'opposition farouche existante entre les leaders du mouvement, en particulier ceux de MW et d'ONR, faite d'accusations mutuelles, de petites luttes de pouvoirs et de complots mesquins. On apprend ainsi que Winnicki s’apprêtait à s'en aller, et à rejoindre le parti social-conservateur Droit et justice (Prawo i sprawiedliwosc, PiS). Roman Gietrych, ainsi que d'autres leaders de l’extrême droite ou de la droite conservatrice polonaise y sont également insultés et qualifiés de « bouffons » et de « traîtres ».

Les révélations de Wikileaks, bien qu'ignorées par la majorité des médias, ont fait l'effet d'une bombe dans le milieu étroit de la faschosphère polonaise, consternée par la nouvelle, alors que son parti favori devenait en quelques jours la risée d'internet. Se refusant au début à tout commentaire, Holocher a par la suite annoncé que ces révélations étaient le « summum de la goujaterie » et a appelé ses militants à faire preuve d'unité et de courage face à cette épreuve dans un communiqué publié le 5 septembre 2013. Le lendemain, il présentait sa démission du conseil de direction du RN. Il écrit sur le mur de sa page Facebook officielle : « Toute mon activité au sein du Mouvement national a été menée dans le but de l'améliorer (…), ce qui ne signifie pas que je n'ai pas commis d'erreur ou de gaffes. Les hommes ne sont que des hommes ». Il ajoute que la publication de sa correspondance est une attaque contre son parti, fomentée pour lui donner une mauvaise image. Il précise cependant : « Je tiens à m'excuser auprès de tous ceux qui se sont sentis ou ont pu se sentir offensés par mes propos, indépendamment de leur véracité. Aujourd'hui comme jamais est nécessaire l'union de notre parti ».

Capture d'écran de la page Facebook de Przemysław Holocher
Cette union était déjà fragile, tant elle était secouée par les luttes de pouvoirs entre les différentes ligues, mouvements et partis dont le RN est constituée. Elle semble aujourd'hui encore plus improbable. Przemyslaw Holocher mis hors jeu, sans que personne ne semble être en mesure de le remplacer, Winnicki jetant l'éponge, une cote de popularité plus basse que jamais ... Il n'est plus question de savoir quel score l’extrême droite polonaise peut espérer aux prochaines élections parlementaires en 2015, mais si elle existera encore à ce moment-là.



De nationalité Franco-Polonaise, je suis correspondant pour le Journal International à Varsovie,… En savoir plus sur cet auteur